Même réponse à la seconde objection. La passivité n’est qu’un point de vue des modes dans leurs relations les uns avec les autres ; elle ne peut être le fait de la substance elle-même, qui est, dit Spinoza, une cause immanente : expression remarquable, qui se présente ici tout à coup sans préparation. On sait que, dans l’Éthique, Spinoza a consacré à cette doctrine un théorème formel et célèbre : Deus causa immanens, non transiens.
On dit que les corps ont besoin d’un premier moteur qui en provoque le mouvement. Oui, cela serait vrai si les corps étaient des substances (des choses en soi, comme dirait Kant), n’ayant d’autre attribut que les trois dimensions de l’étendue. Il faudrait alors un moteur externe. Mais, puisque la nature de Dieu est un être dont on peut affirmer tous les attributs, il ne lui manque rien pour produire tout ce qui peut être produit.
Spinoza ne reconnaît en Dieu que deux attributs : la pensée et l’étendue ; mais, au lieu d’en faire l’objet d’une étude développée comme dans l’Éthique, il n’en parle ici que d’une manière tout à fait incidente. Il insiste seulement sur la différence importante et neuve qu’il établit entre les attributs, et ce qu’il appelle les propres (propria, eigenen)[1]. Les premiers expriment quelque chose de substantiel et de réel : c’est pourquoi il les confond souvent avec la substance ; les propres, au contraire, ne sont que des dénominations extérieures, comme par exemple : qu’il est constant, unique, éternel, etc. (attributs métaphysiques), ou n’expriment que ses opérations, par exemple, la cause, la direction, la prédestination ; ce sont là les propres de Dieu ; mais ils ne nous apprennent rien de ce qu’il est en lui-même.
Il est donc à propos, après avoir étudié Dieu en lui-même, de l’étudier dans ses opérations : c’est l’objet de la seconde partie du premier livre ; entre ces deux par-
- ↑ Nous ne disons pas propriétés, parce que Spinoza emploie souvent le mot de propriétés dans le sens d’attributs, et il oppose alors les propriétés aux propres.