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XXXVIII
INTRODUCTION

avec le corps ; tandis qu’ici, pour vouloir quelque chose, il faut que la volonté devienne connaissante, et l’entendement actif : il faut donc que les deux facultés s’empruntent réciproquement leurs attributs respectifs.

Cette objection repose précisément sur l’hypothèse que Spinoza vient de combattre tout à l’heure et qui ferait de la volonté et de l’entendement deux substances distinctes : mais, si c’est l’âme qui veut et qui pense en même temps, qu’y a-t-il d’étrange à ce que, étant capable de connaître, elle soit en même temps capable de vouloir ?

Troisième objection : le libre arbitre est en contradiction avec la doctrine cartésienne de la création continuée. Une chose qui n’est pas capable de se conserver elle-même, même un seul instant, peut encore moins être en état de produire quelque action. Par quelle puissance le pourrait-elle faire ? Ce ne peut être par une puissance passée, qui ne serait plus. Est-ce par une puissance présente ? Mais elle n’en a pas la moindre qui lui permette de durer un seul instant. Dieu est donc la cause unique, et par conséquent tous les actes de notre volonté sont déterminés par lui.

D’où vient donc l’erreur si répandue du libre arbitre ? De l’habitude de réaliser des abstractions. L’homme, voyant des volitions particulières, se fait une idée générale de la volonté, comme il se fait une idée générale de l’homme. Puis il réalise cette volonté et en fait un être. Il se demande pourquoi l’homme veut ceci ou cela, et il répond : Parce que c’est sa volonté. Mais la volonté, n’étant que nos volitions généralisées, n’a aucune puissance pour les produire. Il n’y a donc pas lieu de se demander si la volonté de l’homme est libre ou non, puisqu’elle n’existe pas.

Comment expliquer maintenant l’affirmation et la négation ? Ce n’est pas, comme le veut Descartes, par un acte de volonté, puisqu’il n’y a pas de volonté : c’est la chose elle-même qui s’affirme ou se nie dans notre esprit.

On se persuade cependant qu’on peut affirmer ou nier à volonté : mais cette illusion vient de ce qu’on ne dis-