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XLII
INTRODUCTION

des attributs, il résulte que, tandis que les esprits, en vertu des lois du corps et du mouvement, se portent d’un côté, de l’autre, en vertu des idées de l’âme, ils tendent à prendre une autre direction ; de là les combats, les agitations, les anxiétés qui caractérisent les passions. Mais cette action de l’âme sur le corps est empêchée dans deux circonstances : soit lorsqu’il n’y a plus assez d’esprits (jeûne, fatigue), soit lorsqu’il y en a trop (ivresse) ; dans ces deux cas, l’âme n’a plus le pouvoir de diriger le corps.

Voilà en quoi consiste l’action de l’âme sur le corps : considérons la réciproque, c’est-à-dire celle du corps sur l’âme. La doctrine de Spinoza sur ce point est confuse et assez peu satisfaisante. La seule action que le corps puisse exercer sur l’âme, selon lui, c’est de se faire connaître à elle : ce qui ne peut avoir lieu que par les seuls modes du corps, le mouvement et le repos ; or, comme c’est le corps et les corps que nous connaissons d’abord, il est naturel que nous aimions d’abord les corps par-dessus tout. Mais, aussitôt que nous connaissons Dieu, nous nous unissons à lui, comme à un bien infiniment supérieur à celui du corps.

Comment se fait ce passage ? Ici encore, les explications sont des plus confuses. Spinoza semble préoccupé de cette idée que si le corps était la cause principale de nos passions, on ne pourrait se délivrer des passions par un acte intellectuel. Mais le corps n’est pas la principale cause de nos passions : car il n’agit sur l’âme qu’en tant qu’objet, et conséquemment par son idée. Reste donc que ce soit l’idée qui soit la cause principale de nos passions : dès lors, une autre idée qui nous présentera un objet meilleur que le premier pourra faire naître un nouvel amour meilleur que le précédent, et le meilleur des objets provoquera en nous le meilleur et le plus pur des amours.

Cette doctrine sur l’union de l’âme et du corps soulève les objections suivantes : 1o Si le mouvement corporel n’est pas la cause des passions, comment une passion, par exemple la tristesse, peut-elle être écartée par une cause corporelle, telle que le vin ?