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QU’EST-CE QUE DIEU ?

qu’il est un effet que Dieu a produit en lui-même. Maintenant, il est impossible que pour la production d’un tel entendement il ait été besoin d’autre chose que des attributs de Dieu, car une essence d’aussi grande perfection doit précisément, comme toutes les autres choses qui dépendent immédiatement de Dieu, avoir été créée de toute éternité ; et si je ne me trompe pas, je t’ai entendu dire cela à toi-même, et, s’il en est ainsi, comment peux-tu te dégager de toute difficulté[1] ?

Théophile. – Il est vrai, Érasme, que les choses qui n’ont besoin, pour leur propre existence, de rien autre que des attributs de Dieu, ont été créées immédiatement par lui de toute éternité ; mais il importe de remarquer que, quoiqu’il puisse être nécessaire qu’une modification particulière (et par conséquent quelque chose d’autre que les attributs de Dieu) soit exigée pour l’existence d’une chose, cependant Dieu ne cesse pas pour cela de pouvoir produire immédiatement une telle chose. Car, entre les conditions diverses qui sont exigées pour faire qu’une chose soit, les unes sont nécessaires pour produire la chose

  1. On ne voit pas bien la difficulté, car il semble, au contraire, que la doctrine de Spinoza sur l’immortalité de l’entendement se lie parfaitement à ce qui précède : c’est parce que l’entendement humain a été créé immédiatement par Dieu qu’il est immortel, puisque l’effet immédiat d’une cause immanente ne peut pas périr tant que la cause subsiste. Il y a donc ici sans doute quelque chose qui manque ; c’est ce qui résulte encore de la réponse de Théophile, puisqu’il y est fait allusion à l’intervention du corps, nécessaire pour la production de l’idée de Dieu. L’objection devait être que l’entendement n’est pas complètement un effet immédiat de Dieu, puisqu’il a besoin de l’intervention du corps ; à quoi Théophile répond que le corps n’intervient que d’une manière accidentelle, et comme cause occasionnelle, ce qui n’empêche pas l’entendement humain de faire partie des choses qui sont produites immédiatement par Dieu. (P. J.)