Page:Staël - Œuvres inédites, II.djvu/298

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ALCÉE.

Quoi ! cette femme incomparable laisse pâlir sa gloire, et sa lyre ne retentit plus !

DIOTIME.

Son génie reparoît encore quelquefois ; mais, comme un éclair dans la nuit sombre, il ne sert plus qu’à révéler les tourmens de son âme. Vous qui l’avez tant aimée ; vous qui auriez pu rivaliser avec elle, comme poète, si votre amour ne vous eût pas enchaîné à son char, avec quel sentiment verrez-vous cette femme qu’un Dieu, jaloux d’Apollon, a précipitée du trône où la poésie l’avoit placée ?

ALCÉE.

Quand j’ai vu Sapho prodiguer sa tendresse à l’ingrat Phaon, j’ai souffert, parce que je l’aimois ; j’ai souffert, parce que je prévoyois les malheurs qui l’ont accablée. Pouvoit-elle régner toujours sur le cœur de cet homme, qui ne connoît point les sublimes plaisirs de la pensée, et que les vains amusemens de la jeunesse captivoient seuls tout entier ?

DIOTIME.

Il aimoit Sapho.