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Page:Staël - Œuvres inédites, II.djvu/329

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CLÉONE.

Sapho, le moment approche où l’on va venir vous entendre ; écartez de vous ces pénibles souvenirs.

SAPHO.

Ah ! Cléone, tu n’as jamais aimé ; jamais tu n’as connu l’amour ; tu ne pourrois, si tu le connoissois, me parler de l’éloigner de mon cœur.

CLÉONE.

Ah ! qui vous dit que je n’aie jamais connu l’amour, et que jamais surtout je n’aie su le vaincre ?

SAPHO.

Que dis-tu ? d’où vient que ton visage si jeune exprime déjà des sentimens profonds et contenus ? Chère enfant, as-tu déjà senti les regrets, cette puissance terrible qui arme notre pensée contre nous-mêmes ?

CLÉONE.

Ah ! Sapho, tu me demandes si je n’ai pas de regrets ! Ne t’ai-je pas vue heureuse et l’es-tu maintenant ? n’y a-t-il pas eu des jours de mon enfance dans lesquels je ne me doutois pas de l’avenir ? Ma mère et toi vous remplissiez mon cœur de si douces jouissances !