Page:Staël - Œuvres inédites, II.djvu/338

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SAPHO.

À cette âme qui me dévore, à l’amour, au malheur ! Fatal présent que ce génie, qui semble, comme le vautour de Prométhée, s’acharner sur mon cœur ! — Ô Vénus ! divinité plus douce que celle que j’ai servie, c’est à toi, c’est à toi désormais que je veux me consacrer ; tes timides colombes me tiendront lieu de l’aigle qui contemploit avec moi le soleil. Tu es la déesse de la beauté, tu es la déesse de celui que j’aime ; tu plaindras ma foiblesse, tu m’aideras à plaire à celui que mes inutiles talens n’ont pu captiver. — Vénus est sortie du sein de l’onde, et c’est dans l’onde aussi que j’espère me plonger. — Prêtre d’Apollon, reprenez votre couronne ; (elle ôte sa couronne.) à peine a-t-elle touché ma tête, qu’un froid mortel a parcouru mes veines : c’étoit comme victime que je me sentois couronner… Ah ! loin de lui, que voulois-je faire ? à quoi voulois-je prétendre ? pourquoi m’approcher du Dieu du jour ? c’est la nuit qui me protége ; c’est elle qui couvre d’un voile tous les objets de la nature, et ne laisse que lui dans mon cœur. Adieu, ma lyre ; adieu, soleil ; adieu, toutes les fleurs de la vie. — Pourquoi m’avez-vous exposée aux regards ? ne saviez-vous pas que ma raison étoit troublée,