Page:Staël - Œuvres inédites, II.djvu/359

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SAPHO.

Ah ! pouvoit-il résister à tes charmes, à ton innocente candeur !

CLÉONE.

Le génie n’a-t-il pas aussi sa sublime innocence ?

SAPHO.

L’âme de Phaon est noble et pure, malgré ses torts envers moi ; je sais qu’il est digne de Cléone. J’ai passé près d’une année dans la douce persuasion qu’il étoit à moi pour toujours. Ah ! Cléone, que ces instans étoient divins ! Jamais je ne sortois de ma demeure sans que son bras protecteur n’appuyât mes pas chancelans. Quand je paroissois dans les fêtes solennelles de la Grèce, il étoit ému de ma gloire, et la joie qui brilloit sur son front m’apprenoit à jouir de moi-même. Un jour, j’étois dangereusement malade, et je me croyois près de traverser l’onde irrévocable ; rien ne pourra te peindre, Cléone, ses soins et sa douleur : il me sauva par ses regards qui retinrent ma vie prête à s’échapper. Ah ! sans doute j’aurois voulu qu’alors… Mais qu’importe ? je te le dis, Cléone, il est bon, tu dois me croire.