Page:Staël - Œuvres inédites, II.djvu/45

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GENEVIÈVE.

Ma fille… (à part.) (Ah ! je bénis le ciel de n’avoir jamais accusé son père en sa présence). Si quelqu’un m’a fait souffrir, cher enfant, c’étoit un être que j’aimois.

L’ENFANT.

Tu l’aimois, et il a pu t’affliger, ma mère ! à quoi donc distinguerai-je, dans le monde, les bons des méchans ? Si l’on peut aimer un méchant, comment le fuir ? Est-ce qu’un être cruel a jamais eu des yeux aussi doux que les tiens ? Si cela étoit ainsi, comment pourrois-je m’en défier ?

GENEVIÈVE.

Ma fille, je t’ai fait voir quelquefois ton visage dans le ruisseau qui coule au pied de cette grotte. Eh bien ! il ressemble beaucoup à celui de ton père.

L’ENFANT.

Et revois-tu dans mes traits avec plaisir ceux de mon père ? Parle-moi donc de lui : tu le nommes sans cesse, et tout à coup tu t’arrétes, comme si quelque grand mystère t’empêchoit de me parler. Ma mère…

GENEVIÈVE.

Ma fille, c’en est assez ; préparons-nous à partir.