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GENEVIÈVE DE BRABANT.

tendres, qui me retracent le jour de notre heureux hymen, s’adressent-ils à ton ombre irritée ? ou, si je te revois encore, ta fureur sera-t-elle apaisée ? me pardonneras-tu de vivre, toi qui avois commandé ma mort ? recevras-tu ma fille que tu as osé ne pas croire la tienne ? O mon Dieu ! cette honte, vous m’avez commandé de la supporter. Cette croix ne nous apprend-elle pas à mettre toute notre fierté dans l’innocence ! Divin Sauveur des hommes, vous n’avez pas craint la souffrance et l’ignominie ; vous en avez fait votre glorieuse auréole. De quoi donc se plaindroit la créature ? Ils ne sont pas délaissés, les infortunés : un attendrissement secret, intime et pur, les met en relation avec la Divinité, et les larmes qui couvrent leur visage semblent, comme la rosée du ciel, ranimer leur cœur flétri. Et toi, mon fils, toi que je n’ai pas revu depuis que tu n’avois encore que quatre années, ton père t’aura-t-il appris à mépriser celle qui t’a donné le jour ? Non, il ne l’aura pas fait, j’en suis sûre ; il t’aura dit seulement que j’ai cessé de vivre ; c’est tout ce que je souhaite. J’aspire au paisible souvenir que les morts laissent après eux. O pompes de la vie, comme vous avez disparu ! qui reconnoîtroit en moi cette souveraine du Brabant, cette