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Page:Staël - Delphine,Garnier,1869.djvu/270

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DEUXIÈME PARTIE.

de cette fatale cérémonie ? Je crus alors que mon imagination seule avait créé cette illusion ? mais s’il est vrai que c’était toi-même que je voyais, comment ne t’es-tu pas jetée dans mes bras ? pourquoi n’as-tu pas redemandé ton amant à la face du ciel ? Ah ! j’aurais reconnu ta voix, ton accent eût suffi pour me convaincre de ton innocence ; et, devant ce même autel, plaçant ta main sur mon cœur, c’est à toi que j’aurais juré l’amour que je ne ressentais que pour toi seule.

Mais qu’importe cette cérémonie ! elle est vaine, puisque c’est à Mathilde qu’elle m’a lié. Ce n’est pas Delphine, dont l’esprit supérieur s’affranchit à son gré de l’opinion du monde, ce n’est pas elle qui repoussera de l’amour par un timide respect pour le jugement des hommes. Ton véritable devoir, c’est de m’aimer : ne suis-je pas ton premier choix ? ne suis-je pas le seul être pour qui ton âme céleste ait senti cette affection durable et profonde dont le sort de ta vie dépendra ? Oh ! mon amie, quoique personne ne puisse te voir sans t’admirer, moi seul je puis jouir avec délices de chacune de tes paroles, moi seul je ne perds pas le moindre de tes regards. Aime-moi, pour être adorée dans toutes les nuances de tes charmes. Aime-moi, pour être fière de toi-même ; car je t’apprendrai tout ce que tu vaux. Je te découvrirai des vertus, des qualités, des séductions que tu possèdes sans le savoir.

Oh ! Delphine ! les lois de la société ont été faites pour l’universalité des hommes ; mais quand un amour sans exemple dévore le cœur, quand une perfidie presque aussi rare a séparé deux êtres qui s’étaient choisis, qui s’étaient aimés, qui s’étaient promis l’un à l’autre, penses-tu qu’aucune de ces lois, calculées pour les circonstances ordinaires de la vie, doive subjuguer de tels sentiments ? Si devant les tribunaux je démontrais que c’est par l’artifice le plus infâme qu’on a extorqué mon consentement, ne décideraient-ils pas que mon mariage doit être cassé ? Et parce que je n’ai que des preuves morales à alléguer, et parce que l’honneur du monde ne me permet pas de les donner, ne puis-je donc pas prononcer dans ma conscience le jugement que confirmeraient les lois, si je les interrogeais ? Ne puis-je pas me déclarer libre au fond de mon cœur ?

Hélas ! je le sais, il m’est interdit de te donner mon nom, de me glorifier de mon amour en présence de toute la terre, de te défendre, de te protéger comme ton époux ; il faut que tu renonces pour moi à l’existence que je ne puis te promettre dans le monde, et que tant d’autres mettraient à tes pieds. Mais, j’en suis sûr, tu me feras volontiers ce sacrifice ; tu ne voudras pas