J’ai dû me justifier pour calmer tes inquiétudes ; j’ai dû me justifier enfin pour me présenter à toi, si je le pouvais, avec plus d’avantage. L’opinion du monde entier, quelque prix que j’y attache, ne m’eût jamais inspiré tant d’ardeur pour ma défense.
Pourquoi prolongez-vous votre séjour à la campagne, ma chère Delphine ? On s’étonne de vous voir quitter Paris au milieu de l’hiver, dans le moment même où vous vous étiez montrée d’une manière si brillante dans le monde. Quelques personnes commencent à dire tout bas que votre sentiment pour Léonce est l’unique cause de ce sacrifice : vous avez tort de vous éloigner ; je vous l’ai dit plusieurs fois, votre grand moyen de succès, c’est la présence. Vous avez des manières si simples et si aimables, qu’elles vous font pardonner tout votre éclat ; mais quand on ne vous voit plus, les amis se refroidissent, ce qui est dans la nature des amis ; et les ennemis, au contraire, se raniment par l’espérance de réussir.
Vous aviez entièrement réparé en quinze jours le tort que vous avaient fait les propos tenus sur M. de Serbellane ; et tout à coup vous cédez le terrain aux femmes envieuses et aux hommes qu’elles font parler.
Vous me répondrez qu’on jouit mieux de ses sentiments à la campagne, etc. Le hasard et votre confiance m’ayant instruite de votre attachement pour Léonce, je devrais vous faire de la bonne morale sur le tort que vous avez de vous exposer ainsi à passer la moitié de votre vie seule avec lui ; mais je m’en fie aux principes que je vous connais, et m’en tenant à mes avis purement mondains, je vous dirai que, même pour entretenir l’enthousiasme que vous inspirez à Léonce, il faut continuer à l’éblouir par vos succès. Il était amoureux à en devenir fou le soir que vous avez passé chez moi ; et quoique sans doute il vous vante le charme des conversations tête-à-tête, croyez-moi, quand il a entendu répéter à tout Paris que vous êtes charmante, qu’aucune femme ne peut vous être comparée, il rentre chez lui plus flatté d’être aimé de vous, et par conséquent plus heureux. N’allez pas vous écrier qu’il n’y a rien de romanesque dans toute cette manière de voir ! Il faut conduire avec sagesse le bonheur du sentiment, comme tout autre bonheur ; et pour