il les comptera tous avec une douloureuse anxiété. J’ai cru entrevoir, par quelques mots qu’il m’a dits, que Mathilde, pour la première fois, se plaignant sans réserve, avait été profondément affligée de son absence, et qu’il craignait d’exposer sa vie, s’il restait loin d’elle au moment de ses couches. Calmez donc Léonce dans votre lettre, ma chère Delphine, autant qu’il vous sera possible, et refusez-vous absolument à voir M. de Valorbe. C’est moi qui ai à me reprocher de vous avoir trop souvent pressée de le traiter avec bonté, par considération pour la mémoire de mon frère ; mais je vois clairement que s’il revenait à Léonce le moindre mot qui pût lui faire croire qu’on a seulement parlé de nouveau de vous et de M. de Valorbe, il serait impossible de prévoir ce qu’il éprouverait et ce qu’il ferait. Je chercherai quelques détours pour rendre service à M. de Valorbe, vous m’y aiderez, nous y parviendrons ; mais Léonce est tellement irrité au nom seul de M. de Valorbe, que si des calomnies, quelque absurdes qu’elles fussent, lui revenaient encore à ce sujet, son sentiment pour vous s’aigrirait, et sa colère contre M. de Valorbe ne connaîtrait plus de bornes.
J’espère vous avoir détournée pour toujours de l’idée insensée de vous lier où vous êtes par des vœux religieux ; il me semble, au contraire, que si M. de Valorbe ne voulait pas s’éloigner des environs de votre demeure, vous feriez bien de quitter la Suisse et de venir vous établir près de moi lorsque Léonce sera retourné à Paris. Vous savez quel bonheur j’éprouverais en étant pour toujours réunie avec vous.
Remettez ce billet à Léonce, ma sœur ; vous ne savez pas dans quel abîme de douleur je suis tombée ! qu’il l’ignore surtout, et vous-même aussi… Adieu, ne pensez plus à moi ; un événement cruel, inouï fixe mon sort et me rend désormais toute consolation inutile. Adieu.
Je jure à Léonce de ne jamais revoir M. de Valorbe ; je lui proteste, pour la dernière fois, qu’il doit être content de mon