dence, l’entraînement, les sentiments irréfléchis et passionnés. Je n’ai pas su guider ma vie, et j’ai précipité les autres avec moi. — Je vous en conjure, lui dis-je, ne considérez pas les malheurs que vous éprouvez comme le résultat de vos erreurs et de vos fautes. Les résolutions que vous avez prises appartenaient à des sentiments tout à fait involontaires. Il y a de la fatalité en nous comme hors de nous, et il ne faut pas plus se révolter contre soi que contre les autres. — Ah ! reprit Delphine, tout pouvait encore se supporter ; mais la mort ! l’irréparable mort ! »
J’essayai de lui parler du soin que M. de Valorbe avait pris de la justifier dans l’esprit de Léonce. « Le malheureux ! s’écria-t-elle, c’est un trait de bonté qui doit l’absoudre de tout, il m’a justifiée ! Voilà donc, dit-elle en s’arrêtant subitement comme si une pensée tout à fait imprévue se fût emparée d’elle, voilà déjà la moitié de la prédiction de ma sœur qui s’est accomplie ! Ne m’a-t-elle pas dit que la vérité serait connue sur mon voyage à Zell ? Elle le sera. Ne m’a-t-elle pas dit aussi que peut-être un jour Léonce serait libre ? Oh ! d’où vient que cette idée, la plus invraisemblable de toutes, m’est revenue dans cet instant ? C’est parce que mon sort est maintenant irrévocable, que je crois aux événements qui me paraissaient impossibles il y a quelque temps : funeste imagination ! s’écria-t-elle ; ah ! Dieu ! » Et elle resta plongée dans le plus profond silence.
Madame d’Albémar n’est pas encore en état de vous écrire, mademoiselle ; elle m’a demandé de m’en charger ; c’est toujours à vous qu’elle pense au milieu de ses plus grandes peines. Ah ! mademoiselle, venez, venez ici. Votre présence est le seul bien qui puisse consoler cette jeune infortunée, privée de tout autre espoir pour le cours de sa longue vie.
D’ALBÉMAR.
Madame de Mondoville est tombée tout à coup très-malade, mademoiselle ; elle s’obstine à vouloir nourrir son enfant dans cet état, et si l’on n’obtient pas d’elle d’y renoncer, sa mort est certaine. Je vous donnerai de ses nouvelles exactement ; mon