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Page:Staël - Lettres sur les ouvrages et le caractère de J. J. Rousseau, 1789, dernière éd.djvu/14

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des idées sans nombre le dominaîent tour-à-tour ; il n'en pouvait suivre aucune , parce qu’elles l’entraînaient toutes également. Il appartenait trop aux objets extérieurs pour rentrer en lui-même ; il sentait trop pour penser ; il ne savait pas vivre et réfléchir à la fois, Rouseau s’est donc voué à la méditation , quand les événements de la vie ont eu moins d’empire sur lui, et lorsque son âme, sans objet de passion, a pu s’enflammer toute entière pour des idées & des sentiments abstraits. Il ne travaillait ni avec rapidité, ni avec facilité ; mais c’était parce qu’il lui fallait pour choisir entre toutes ses pensées , le temps et les efforts que les hommes médiocres emploient à tâcher d’en avoir : d’ailleurs ses sentiments sont si profonds, ses idées si vastes, qu’on souhaite à son génie cette marche auguste et lente: le débrouillement du chaos, la création du monde, se peint à la pensée comme l'ouvre d'une longue suite d'années, et la puis- sance de son auteur n'en paraît que plus importante.

Le premier sujet que Rousseau a traité, c'est la question de l'utilité des sciences et des arts. L'opinion qu'il a soutenue est certainement para- doxale ; mais elle est d'accord avec ses idées habi- tuelles, et tous les ouvrages qu'il a donnés depuis, sont comme le développement du système dont ce discours est le premier germe. On a trouvé dans