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Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/237

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SUR L’EAU.

« Arrivée au seuil de sa demeure, elle avait encore une sorte de petit escalier de quatre marches à monter. C’était là qu’autrefois les bateaux abordaient. Elle monta ces quatre marches, mais non sans peine. Avec une cruche, ça n’est pas commode.

« Une fois là, elle se retourna et jeta un regard sur l’étang, sur les ruisseaux qui y affluaient : tout cela était à sec. Une fourmi n’aurait pas trouvé à dix lieues à la ronde de quoi étancher sa soif.

« — Il était grand temps que j’arrivasse, se dit-elle, grand temps ! Mais où sont donc ceux qui m’acclamaient au départ ? Quel drôle d’accueil qu’un tel silence, après un tel dévouement ! »

« Une vieille pie curieuse était perchée sur un arbre à demi desséché, lui aussi. Elle regardait faire l’écrevisse et l’écoutait s’étonner.

« — Ne leur en veuillez pas, lui dit-elle, s’ils ne crient pas : Vive l’héroïque écrevisse ! Ce n’est pas leur faute, ils sont tous morts. Voyez leurs coquilles, leurs arêtes, leurs carapaces ! D’eux, c’est tout ce qui reste… Savez-vous, ma mie, que vous avez mis dix-sept ans à leur apporter de l’eau qu’il leur aurait fallu recevoir à la minute ? »

« La pauvre écrevisse fut si saisie, en vérifiant d’un regard l’exactitude des paroles de la pie, qu’en voulant lever les pattes au ciel, en signe de désespoir, elle oublia la cruche qu’elle portait et la laissa choir. La cruche se brisa en mille morceaux, la terre aride