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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/118

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quart de leurs munitions, une paire de lunettes, un livre imprimé en caractères du Malabar, et un vieux chapeau, dont personne ne croyait plus revoir le propriétaire.

Dès que mes hommes avaient été libres, Thani, le bon Arabe, les avait emmenés à Simbo ; et c’était dans son camp, où ils étaient comblés de riz et de beurre fondu, que Shaw les avait retrouvés.

En écoutant cette longue histoire, je me sentis agité des émotions les plus diverses. D’abord je comptais sur le retour de Bander, n’imaginant pas qu’en si peu de temps il lui fût arrivé malheur ; et j’étais aux regrets de l’avoir puni. Quel que fût, à l’avenir, le vol dont je serais victime, je faisais vœu de ne pas exposer le voleur à être assassiné. Venait ensuite mon étonnement du procédé royal. Percevoir deux tributs du même chef était contraire à l’usage ; et, en supposant que notre amazone fût » au-dessus de la coutume, les quatre jours que nous avions passés au bord de l’Oungérengéri lui avaient donné le temps de faire rectifier l’erreur que j’avais commise, en n’accédant pas à sa demande. Il est certain que si elle avait insisté, j’aurais payé deux fois, plutôt que de compromettre la sûreté de la caravane.

En somme trois fusils m’étaient volés, et d’une façon odieuse, sans parler du reste.

Mon indignation n’avait pas de borne ; si j’avais été près de la dame, je m’en serais vengé sur ses faubourgs. Mais ces quatre jours d’attente m’avaient paru si longs, que dans ma joie de revoir mes trois soldats, ma colère ne put se soutenir ; et je me félicitai bientôt de ce que le mal n’avait pas été plus grand. Enfin le discours de l’Arabe était chose désopilante.

Le soir même j’écrivis le récit du fait à l’adresse du consul des États-Unis, afin que le sultan pût connaître les deux côtés de l’aventure, qui se rattachait à la disparition du cuisinier.

Pressé de quitter un endroit où nous avions eu tant d’inquiétude, nous levâmes le camp malgré une pluie torrentielle, qui en toute autre circonstance nous eût empêchés de partir.

La route se fit d’abord sur une terre rougeâtre et boisée que drainait une double pente, inclinée d’une part au levant, de l’autre au couchant, et où la marche n’avait rien de pénible ; mais au bout d’un mille nous rentrâmes dans la savane, dont le sol était alors mou et tenace comme du mortier ; au point de nous faire craindre le sort de ce voyageur, qui, en traversant un marais