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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/122

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et robuste gars, imitant Bombay, se couchait dans la vase en simulant des envies de vomir que de violents coups de longe firent disparaître. Abdoul Kader, un Hindi plein de mollesse, tailleur et aventurier, se plaignait de manquer de « force », comme il disait en français ; toujours malade pour l’ouvrage, et toujours affamé. « Si tous les autres lui ressemblaient, m’écriai-je, je n’aurais plus, ô mon Dieu ! qu’à rebrousser chemin, mais non sans en tirer vengeance. »

Ce jour-là mon tailleur sentit ce que valaient des coups de fouet ; et — puisse-t-il le dire à tous ses pareils ! — on peut être sûr qu’il ne fera plus partie de la caravane d’un blanc. Salomon avait sans doute la sagesse infuse ; à moi, elle vint par expérience, et me fit reconnaître qu’un bon fouet de chasse, solidement appliqué, rendait aux gens dont l’humidité a détruit l’énergie, une vigueur et une activité normales, parfois même extravagantes.

Sur un espace de trente milles, à partir du camp, la vallée n’était qu’un affreux marais : un pied d’eau en moyenne, avec çà et là des trous de quatre à cinq pieds de profondeur. Splache, splache, splache, splache était la seule chose qu’on entendit, depuis le moment du départ jusqu’à l’arrivée aux bomas, qui sont établis aux seuls endroits secs de la route.

Deux jours de ce barbotage, et nous atteignîmes la Roudéhoua, autre rivière puissante qui coulait à pleins bords. Comme nous sortions du fourré qui couvre la rive droite de l’une de ses branches, nous nous trouvâmes en face d’une immense nappe d’eau, où s’apercevaient les cimes d’arbres épars, de touffes d’herbes largement disséminées, et que bornaient les montagnes de l’Ousagara, éloignées de dix ou douze milles. Ce fut le comble de nos misères. Quand, avec les ânes et les soldats qui les conduisaient, nous rejoignîmes les porteurs, ceux-ci étaient groupés sur un tertre.

« Êtes-vous au camp ? leur demandai-je.

— Non.

    l’entière description, Voyages aux Grands Lacs, p. 550. Librairie Hachette, 1862.) Cette effroyable maladie arrivait au capitaine « en surcroît de la surdité, du mal d’yeux, et de l’enflure du visage, qui lui étaient habituels, » et qu’il avait contractés en Afrique, sans parler d’accès de fièvre terribles. Quand on pense qu’une pareille agonie a été affrontée de nouveau ; qu’à peine remis de ces tortures, le voyageur est retourné au-devant d’elles, dans l’espoir d’élargir notre horizon, quelle admiration reconnaissante ne devons nous pas à ceux qui nous donnent de telles preuves d’oubli de soi-même, de dévouement à la science, d’enthousiasme pour la recherche du vrai ! (Note du traducteur.)