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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/135

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cet homme d’un esprit faible et d’une panse avide, me fut exactement connu. En soixante-treize jours, il avait consommé les deux cent quarante choukkas, douze dotis d’étoffes de couleur, réservées au tribut, et quatre-vingt-deux autres, pris dans les bagages. De l’étoffe qui lui avait été confiée, il ne restait que deux ballots. Tout le surplus, à l’exception de ce qu’il avait payé à de nouveaux pagazis, les bêtes de somme étant mortes, axait été dépensé en mangeaille pour sa table, ou follement gaspillé : achetant les complaisances de ses hommes par le don quotidien d’une chèvre, alors que les chèvres coûtaient cinq dotis ; et variant ses générosités par des présents de volaille.

Je fis ensuite le relevé des frais de ma caravane, dont le personnel était de quarante-trois individus ; et je trouvai que, pour cinquante jours, nous avions dépensé quatre-vingt-six choukkas ; d’où il résultait que le chef de la troisième bande n’avait pas d’excuse. « Mettez un mendiant à cheval, dit le proverbe, et il courra au diable. » Farquhar en était la preuve. Je lui avais acheté un âne de Zanzibar, âne de selle de premier ordre ; il l’avait surmené, écorché par une équitation d’homme ivre, une navette qui avait scié le dos de la pauvre bête ; il l’avait monté quand même, sans jamais descendre, quelle que fût l’étape ; et l’âne n’avait pas tardé à mourir.

Si Farquhar fût allé jusqu’à l’Ounyanyembé, il ne m’aurait laissé ni une choukka, ni une perle. Il était fort heureux que je l’eusse trouvé en route ; mais qu’en faire ? Je ne pouvais pas le laisser à Kiora ; il y serait mort avant peu ; et comment l’emmener ? Depuis notre épreuve de la Makata, la petite charrette n’allait plus : les ânes manquaient. Je lui donnai le mien et nous partîmes.

Le 11 mai, la troisième et la cinquième bandes, actuellement réunies, suivaient la rive droite de la Moukondakoua, à travers des champs de sorgho, et voyaient s’élever les montagnes de plus en plus, à mesure que nous avancions vers l’ouest.

Nous laissâmes Mounyi Ousagara à notre droite. Peu de temps après nous trouvâmes le chemin barré par des éperons de la chaîne qu’il nous fallut gravir.

Une marche de huit milles, à partir du gué de Misonghi, nous fit gagner un autre gué de la Moukondakoua, où nous dîmes un long adieu à la route de Burton, route qui franchit la passe de Goma, et qui gravit les escarpements du Roubého. La nôtre se déroula dans un milieu absolument contraire à celui que nous venions de quitter. Plus de végétation exubérante, aux effluves