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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/176

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peu trop près de l’arbre sous lequel les ballots d’Hamed étaient empilés. J’ignore si le petit Cheik supposa que l’honnête vieillard était capable de le voler ; ce qu’il y a de certain c’est qu’il s’emporta jusqu’au délire, et que Thani donna l’ordre d’éloigner sa tente de quelque cent mètres.

Hamed n’en fut pas plus tranquille ; à sa fureur succéda le remords ; si bien que vers minuit il alla trouver le bon Arabe, se jeta à ses genoux, et lui baisa les pieds et les mains, en implorant son pardon. Cheik Thani, qui était le meilleur et le plus généreux des hommes, le lui accorda volontiers. Cela ne suffit pas encore au petit Hamed, qui ne fut satisfait que lorsqu’il eut fait replacer la tente de son ami à l’endroit où elle avait été d’abord.

L’eau que nous bûmes à Mouniéka fut puisée dans le creux profond d’une roche de syénite ; une eau limpide comme du cristal et froide comme de la glace. Boire de l’eau froide ! un luxe que nous n’avions pas eu depuis notre départ de Simbamouenni

Le lendemain, à sept heures du matin, la corne du Kirangozi vibra tout à coup plus fort et plus allègrement qu’elle ne le faisait depuis dix jours : la caravane entrait dans l’Ouyanzi, ou pour nous servir d’un nom plus connu, dans le Magounda Mkali, mot qui signifie Champs embrasés.

Nous sortions de l’Ougogo ; chacun s’en réjouissait. J’y étais arrivé plein d’espoir, croyant trouver là une Terre-Promise, une terre où le lait et le miel coulaient à flots. Déception profonde ! il n’avait été pour nous que fiel et amertume, ennuis et vexations ; un lieu d’épreuves, où, à chaque pas, se rencontrait un danger, où le caprice d’un homme ivre nous tenait à sa merci. Quoi d’étonnant dans la joie que nous ressentions ? La pensée des fatigues qui nous attendaient, loin de nous abattre, augmentait notre ardeur. Le désert est souvent moins inhospitalier qu’un peuple.

Nous étions partis de Mouniéka à six heures du matin ; une heure après nous passions la frontière, et à neuf heures nous nous arrêtions au bord du Maboungourou. Ce noullah prend sa source dans la chaîne qui sépare l’Ougogo du Magounda Mkali, et se dirige au sud-ouest. À l’époque des pluies il est presqu’infranchissable, en raison de la force du courant, son lit ayant une pente excessivement rapide[1]. Les blocs de syénite et de basalte

  1. Le Maboungourou est un des exemples de noullah pierreux dont nous avons parlé en note, à la page 124. C’est dès lors, pour Burton, un fiumara et non plus un noullah. (Voir page 247 du Voyage aux grands lacs.) Après s’être dirigé au couchant, à partir