Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/244

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Shaw tomba sur la route. Malgré mes supplications, il ne voulut pas se relever. Toutefois, repoussant le désespoir pour moi-même, je n’entendais pas qu’il s’y abandonnât ; je le fis remettre sur sa bête ; un homme le soutint de chaque côté, et nous poursuivîmes notre coursé à travers les ténèbres.

Il était minuit quand nous atteignîmes Mfouto. À notre voix, les portes s’ouvrirent ; et nous fûmes de nouveau en sûreté dans ce village, d’où nous étions sortis d’une allure si vaillante, et où nous rentrions si lâchement.

J’y retrouvai mes fuyards ; qui tous y étaient arrivés avant la fin du jour.

Oulimengo, notre bouillant Kirangozi, si fier de ses armes, si confiant dans nos forces, si certain de la victoire, n’avait mis que six heures pour faire cette longue marche, qui, en temps ordinaire, lui en eût demandé onze. Choupéreh, que j’avais cru le plus ferme de la bande, était arrivé qu’une demi-heure après le guide. Le sémillant Khamisi, l’homme épris de toilette, le beau diseur, ce dandy plaignant ses pas était arrivé le troisième ; et les serviteurs de Speke n’avaient pas été moins lâches que le dernier des esclaves. Un seul, l’Arabe de Jérusalem, mon Sélim, un adolescent, avait été fidèle et brave. Shaw, bien que de race européenne, avait montré une âme aussi basse, sinon plus vile, que celle des nègres qu’il méprisait si fort.

« Pourquoi ne m’avez-vous pas laissé mourir, en vous sauvant comme les autres ? demandai-je à Sélim.

— Oh ! monsieur, me répondit-il naïvement, j’aurais eu peur d’être battu par vous. »