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pan, un homme loyal entre les plus loyaux de toute couleur, blancs ou noirs, jaunes ou rouges, est un Hindi. Son nom, parmi les Européens de Zanzibar, est synonyme de bonne foi, d’intégrité, de délicatesse. Il est puissamment riche ; il possède des daous[1], plusieurs navires, et occupe l’une des premières places dans le conseil du sultan. Sa famille est nombreuse ; deux de ses fils, parvenus à l’âge d’homme, ont été élevés dans les mêmes sentiments d’honneur ; mais Tarya Topan ne représente qu’une infime minorité.

Ces Arabes, les Banians et les Hindis constituent la classe supérieure et la classe moyenne de l’île. C’est à eux qu’appartiennent les terres, les magasins, les navires, la fortune et le pouvoir. C’est devant eux que s’inclinent les métis et le gros du peuple. Celui-ci est composé de nègres indigènes, auxquels s’ajoutent des natifs du Sahouahil, du Somal, des Comores, de l’Ounyamouézi, et des représentants d’une foule d’autres peuplades africaines.

Parcourir le quartier des Vouanyamouézi et des gens du Sahouahil est, pour le blanc qui se dispose à pénétrer en Afrique, une promenade des plus instructives. Il y reconnaît la nécessité d’admettre que les nègres, en dépit de la différence de couleur, sont des êtres comme lui ; qu’ils ont les passions, les sympathies, les préjugés, les goûts, les sentiments communs à tous les hommes. Plus vite il s’aperçoit du fait, et y conforme son esprit, plus aisé lui deviendra son voyage parmi les noires tribus avec lesquelles il va être en contact. Plus il est disposé, par nature, à se plier au milieu qui l’entoure, plus le voyageur a de chances de réussir…

Bien que j’aie vécu dans les États du Sud, mon éducation a été celle des gens du Nord ; et, en Amérique, il y a plus d’un nègre que je suis fier d’appeler mon ami. J’étais donc prêt à donner mon estime à n’importe quel noir ayant les vertus qui font l’honnête homme, à le reconnaitre pour frère, et, comme tel, à le respecter ni plus ni moins que s’il avait été de ma propre race. Ni sa couleur, ni les traits de son visage, ne pouvaient à mes yeux lui enlever les droits auxquels il devait prétendre. « Ces noirs Africains, me demandais-je en visitant leur quartier et en observant leurs actes, ces noirs ont-ils les qualités qui nous font aimer

  1. Barque arabe pontée à l’arriérè, la plus petite des embarcations maritimes.(Note du traducteur.)