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la violence. Il tenait Hadji Abdallah, c’est-à-dire Burton, pour le plus criminel des Vouasoungou, parce qu’il lui avait vu ramasser des crânes humains et les mettre dans un sac, chose qui ne pouvait avoir d’autre but que la préparation de quelque drogue magique, destinée aux plus noirs maléfices. Il demanda un jour si Abdallah avait écrit toutes ses actions ; et lorsqu’il apprit que dans son livre sur la Région des Lacs, Burton n’avait pas parlé de cette récolte de crânes, faite à Quiloa, il m’assura que je ferais une bonne œuvre en divulguant cette chose abominable[1]. Par contre, Bombay conserve une grande vénération pour le capitaine Speke, et se propose de faire quelque jour un pèlerinage au tombeau de son ancien maître.

Mabrouki-Tête-de-taureau, comme l’appelle Burton, Mabrouki-Speke, ainsi que nous l’avons nommé pour le distinguer des autres Mabrouki de la bande, vaut beaucoup mieux que sa réputation. Il a eu souvent de glorieuses querelles avec Burton ; et s’il faut l’en croire, ce n’est pas toujours le maître qui aurait eu l’avantage. L’illustre voyageur, dont il était le domestique, avait l’habitude de l’appeler en arabe, et de choisir, pour en accompagner ses ordres, les plus fortes injures du vocabulaire d’El Scham (toujours au dire de Mabrouki). « Dji’ib el halib, Bil-alek ! » lui criait-il ; ce qui veut dire : « Apportez le lait !… » Je ne connais pas assez l’arabe de Damas pour traduire le dernier mot. C’est, je n’en doute pas, quelque chose d’affreux, car Mabrouki en ressentait encore une vive indignation ; il aurait voulu se battre avec l’insulteur ; mais, au fond, je ne crois pas qu’il lui souhaitât grand mal.

Mabrouki est stupide, mais fidèle. Nullement à sa place comme valet : il pourrait faire un commis. C’est un surveillant, un guetteur d’un prix inestimable. Comme fundi, ou capitaine en second, chargé de ramener les traînards, il est sans pareil. Enfin, très-laid et plein de vanité[2], mais pas lâche.

Asmani, le géant aux épaules herculéennes, est à la fois guide et fundi, mot qui veut dire chasseur. C’est un homme extrêmement superstitieux, ayant grand soin de son fusil et d’une cer-

    tant les châtiments les plus durs. Est-ce bien lui qu’on doit blâmer de son impuissance à remplir des fonctions pour lesquelles il n’était pas fait, et du mauvais emploi de ses forces inoccupées ? (Note du traducteur.)

  1. Depuis lors, j’ai appris que Burton avait informé l’univers de ce « fait odieux » en le mentionnant dans l’ouvrage qu’il a publié sur Zanzibar ; et j’ai su que l’intéressante collection des susdits crânes se trouvait à Londres, au Royal Collège of Surgeons, où tout le monde peut la voir.
  2. Le plus laid et le plus coquet de la bande, dit Burton. (Note du traducteur.)