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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/44

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consentaient à faire partie de la caravane d’un autre homme blanc ; ils me répondirent qu’ils accompagneraient volontiers un frère de leur ancien maître. Mister Kirk, présent à l’entrevue, leur dit que je n’étais pas le frère de Speke, mais que néanmoins je parlais la même langue. Ils se montrèrent fort peu touchés de l’observation, et je les vis avec bonheur déclarer de nouveau qu’ils me suivraient n’importe où, et se conformeraient à mes désirs.

Bombay se trouvait alors à Pemba, île féconde, située au nord de Zanzibar. Oulédi m’assura que la perspective d’une nouvelle expédition le ferait sauter de joie. Je priai donc Johari de lui écrire immédiatement et de lui annoncer la bonne fortune qui l’attendait.

Le quatrième jour après l’envoi de la lettre, arriva Bombay, suivi de ses anciens compagnons, chacun à son rang, d’après le grade qu’il avait eu jadis. Je cherchai vainement la « tête grotesque et les dents d’alligator » qu’avait attribuées à Bombay son premier maître. J’étais en face d’un petit homme mince, ayant la cinquantaine, ou à peu près, les cheveux gris, le front étroit et d’une hauteur peu commune, la bouche très-grande, les dents irrégulières et largement séparées, montrant à la mâchoire supérieure une vilaine brèche qu’y avait faite le poing du capitaine Speke, un jour où celui-ci avait perdu patience. Que le capitaine eut gâté son factotum par trop de bonté, ressortait évidemment de l’audace qu’avait eue le coupable d’accepter la partie de boxe[1] ; mais je ne vis et ne compris tout cela que plus tard, lorsque moi même je fus obligé d’en venir aux grands moyens. Tout d’abord, malgré sa figure ridée, sa grande bouche, ses petits yeux, son nez aplati, Bombay me causa une impression favorable.

« Salaam aléikam, me dit-il en entrant.

— Aléikam salaam ! répliquai-je avec toute la gravité qu’il me fut possible de prendre. Puis je demandai à l’arrivant s’il consentirait à être le chef de mon escorte, et à venir avec moi dans l’Oujiji. Sa réponse fut qu’il était prêt à faire tout ce que je voudrais, prêt à me suivre partout ; bref, à être le modèle des serviteurs et des soldats. Il espérait seulement avoir un uniforme et un bon fusil, deux choses qui lui furent promises.

  1. Voir p. 242 des Sources du Nil, journal du capitaine Speke, traduit par M. de Forgues. Librairie Hachette, 1864.