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Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/73

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CHAPITRE V

De Bagamoyo à Simbamouenni.


Avant d’aller plus loin, encore un mot d’excuse pour cet emploi de la première personne auquel je suis condamné. Ego est toujours en avant dans ce volume ; obligé de le mettre en évidence, j’exhibe celui qu’il représente tel qu’il était alors, non tel qui aurait dû être ; je dis ce qu’il a fait, non ce qu’il aurait dû faire. Je rapporte les choses comme elles se sont passées ; et, le faisant de mon mieux, je raconte littéralement ce qui est arrivé à l’Expédition. Quelle que soit du reste, à l’égard de ce livre, l’opinion des gens casaniers, amis de leur fauteuil et de leur coin du feu, les voyageurs qui me succéderont dans l’est de l’Afrique, donneront avec gratitude leurs éloges à ce fidèle récit de mes aventures, parce qu’il sera pour eux d’un utile enseignement.

Le 21 mars 1871, soixante-treize jours après mon arrivée à Zanzibar, ma cinquième caravane sortit de Bagamoyo, et se dirigea vers l’ouest avec ce mot d’ordre : Forward ! c’est-à-dire En avant !

Le drapeau fut déployé, celui des États-Unis. Les porteurs, les soldats, les animaux étaient en ligne ; le Kirangozi, comme on appelle le guide, se mit à leur tête. Je dis un long adieu à la vie civilisée, à ses loisirs ; adieu à l’Océan, à sa route largement ouverte, qui mène chez moi, adieu à la foule de bruns spectateurs qui saluaient notre départ de coups de feu répétés.

Quarante-six personnes composaient la bande ; on y comptait vingt-huit pagazis ou porte-balles, douze askaris ou soldats. Ces derniers étaient responsables de nos dix-sept ânes et de leurs charges ; Sélim conduisait la petite charrette, qui portait les munitions. Shaw, coiffé d’un liège en forme de barque renversée, chaussé de bottes fortes, et monté sur un âne, fermait la marche ; tandis que sur le beau cheval que lui avait donné M. Goodhue, le Bana Mkouba, c’est-à-dire le Grand-Maître, comme on l’appelait,