Page:Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, version abrégée Belin de Launay, 1876.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

donna quelque espérance et ne tint pas sa promesse. J’en gravis l’autre bord et je restai saisi, on le comprendra : j’étais face à face avec un éléphant aux immenses oreilles tendues comme des bonnettes. Quelle puissante incarnation de la nature africaine ! En voyant sa trompe allongée comme un doigt menaçant, je crus entendre une voix me dire : Siste venator ! Procédait-elle de mon imagination ou de Caloulou, qui devait avoir crié en prenant la fuite ? Car il s’était sauvé, le drôle, et avec mon arme de rechange !

Toujours est-il que, revenu de ma surprise, je songeai également à la retraite comme au seul parti à prendre, n’ayant à la main qu’un petit raïfle chargé de cartouches traîtresses et ne portant que des chevrotines. Quand je me retournai, le colosse agitait sa trompe d’une manière approbative, qui signifiait évidemment : « Adieu, jeune homme ! Vous avez bien fait de partir : j’étais sur le point de vous piler comme une amande. »

Le 14, vers midi, nous revîmes notre Magdala, un grand mont isolé, dont la masse sourcilleuse avait attiré nos regards lorsque en toute hâte nous suivions la grande chaîne du Rousahoua pour atteindre le Malagarazi. Nous reconnaissions la plaine qui l’entoure et sa beauté mystérieuse. Cependant, lors de notre premier passage, nous l’avions vue desséchée et d’un blanc roussâtre, qu’on aurait cru voilé d’une gaze ardente ; maintenant elle était du plus beau vert. La pluie avait fait tout renaître ; les rivières, autrefois taries, coulaient à pleins bords, entre d’énormes ceintures de grands arbres, versant une ombre épaisse, ou