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Page:Stapfer - Études sur la littérature française moderne et contemporaine, 1881.djvu/308

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ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE FRANÇAISE.

Qui recueille ses saints transports,
Jusqu’à ce qu’une main sacrée
Ébranle la corde inspirée
Où dorment les divins accords !

Pour les poètes ainsi organisés, écrire est une occupation inférieure, une sorte de déchéance. La plume en main, ils n’^éprouvent pas cette volupté créatrice de l’artiste qui donne l’être à sa pensée en lui donnant une forme et la fait passer du néant à la vie immortelle. Ce qu’ils sentent, ce qu’ils rêvent, est trop démesurément supérieur à tout ce que le style peut exprimer. Pour écrire, il faut choisir, éliminer, condenser ; il faut imposer aux idées, aux sentiments, des contours nettement arrêtés : et ils ont en eux l’infini ! Pour écrire encore, il faut du temps, de la lenteur, du soin, et leur langage naturel est l’improvisation. « Raphaël improvisait quelquefois, le soir, sous les pins de la villa Pamphili, en présence du soleil couchant et des ossements de Rome épars dans la plaine, des stances qui me faisaient pleurer ! Mais il n’écrivait rien.

— Raphaël, lui disais-je, pourquoi n’écris-tu pas ?

— Bah ! me disait-il, est-ce que le vent écrit ce qu’il chante dans ces feuilles sonores sur nos têtes ? Est-ce que la mer écrit les gémissements de ses grèves ? Rien n’est beau de ce qui est écrit. Ce qu’il y a de plus divin dans le cœur de