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QUESTIONS ESTHÉTIQUES ET RELIGIEUSES

leurs idées avec quelque précision et ne redoutent rien tant que la plus lointaine apparence d’une confession de foi.

Si les libres-penseurs religieux doivent gagner quelque chose à devenir chrétiens libéraux, est-ce à cause de deux pratiques pieuses en usage dans le protestantisme : la lecture de la Bible et la prière ?

Non ; car la prière est, en doctrine et quelquefois en fait, sur les lèvres et dans le cœur du théiste aussi bien que du chrétien. Par le dogme de la Trinité, la religion traditionnelle introduisait quelque différence entre la prière chrétienne et la prière théiste : peut-il être question, dans l’église des protestants libéraux, d’adresser leurs prières à une autre personne qu’à Dieu ? L’unité de Dieu est leur seul dogme un peu catégorique ; adorer et prier Jésus, — qui n’est point pour eux une personne divine, — serait une idolâtrie semblable à l’invocation de la Vierge et des saints dans le catholicisme.

La Bible a subi la même diminution que la seconde hypostase de la Trinité. Jésus peut être aimé, écouté, admiré, imité et suivi : il n’est plus adorable. Pareillement la Bible est un livre tout rempli de bonnes vérités, un livre excellent, le meilleur et le plus beau des livres humains : il n’est plus le livre de La vérité, il n’est plus la Parole de Dieu.

L’autorité, qui pour les catholiques résida toujours dans l’Eglise, résidait pour les protestants d’autrefois dans l’Ecriture. Ils la lisaient avec l’assistance du Saint-Esprit, et ils pouvaient la comprendre et l’interpréter plus ou moins bien ; mais l’erreur — si quelque erreur était commise — ne venait que d’eux seuls ; la pensée qu’elle pût être dans le livre sacré lui-même leur eût paru un blasphème horrible. Auguste Sabatier, à la page 252 de