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92 MES MÉMOIRES

que le Président insistait au téléphone pour me voir immédiatement.

Il téléphonait sans doute de l’Elysée, car, contrairement à ce qu’ont dit certains journaux, rien ne me porte à croire qu’il se soit trouvé indisposé dans une maison amie d’où on l’aurait hâtivement ramené à la présidence.

Devant son insistance étrange, je pris une voiture et me fis amener à la porte discrète de la rue du Colisée.

Le Président était à une fenêtre ouverte, près du petit salon d’attente, en compagnie de Blondel, son secrétaire. Je fus très frappée par sa pâleur. Il ne faisait pas encore tout à fait sombre. Il devait être environ cinq heures.

Il me dit, tandis que Blondel se retirait, poliment : « Il y a quelque chose qui ne va pas... Ah ! que n’étiez-vous auprès de moi, tous ces temps-ci. J’ai fait bien des folies... Et puis, je suis si las de toutes ces intrigues et de toutes les complications de l’Affaire. J’ai essayé d’oublier et je me suis mis à prendre beaucoup... beaucoup... de cette drogue que vous m’aviez interdite... J’en ai même pris cette après-midi. »

Le petit salon bleu où il me recevait d’habitude et où nous écrivions généralement les Mémoires, était aux mains des tapissiers. Le Président me reçut dans la chambre contiguë au cabinet de M. Le Gall. La porte était ouverte, car Félix Faure se plaignait d’étouffements. Je n’étais pas inquiète outre mesure, car, bien que très pâle, le Président n’avait pas l’air plus malade que toutes les fois où il avait absorbé son remède dangereux.

— Il faut décidément que je m’occupe plus sérieusement de ma santé, me dit-il, et que j’essaye de renoncer à ce poison. Et puis, il faut que je me sente d’aplomb pour le grand bal qui aura lieu ici, bientôt.

Je lui demandai comment il avait passé la journée Il me répondit qu’il avait reçu quelques personnages