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ŒUVRES DE STENDHAL.

CHAPITRE XLII.

SUITE DE LA FRANCE.


Je demande la permission de médire encore un peu de la France. Le lecteur ne doit pas craindre de voir ma satire rester impunie ; si cet essai trouve des lecteurs, mes injures me seront rendues au centuple ; l’honneur national veille.

La France est importante dans le plan de ce livre, parce que Paris, grâce à la supériorité de sa conversation et de sa littérature, est et sera toujours le salon de l’Europe.

Les trois quarts des billets du matin, à Vienne comme a Londres, sont écrits en français, ou pleins d’allusions et de citations aussi en français[1], et Dieu sait quel français.

Sous le rapport des grandes passions, la France est, ce me semble, privée d’originalité par deux causes :

1o Le véritable honneur ou le désir de ressembler à Bayard, pour être honoré dans le monde et y voir chaque jour notre vanité satisfaite ;

2o L’honneur bête ou le désir de ressembler aux gens de bon ton, du grand monde de Paris. L’art d’entrer dans un salon, de marquer de l’éloignement à un rival, de se brouiller avec sa maîtresse, etc.

L’honneur bête, d’abord par lui-même, comme capable d’étre compris par les sots, et ensuite comme s’appliquant à des actions de tous les jours, et même de toutes les heures, est beau-

  1. Les écrivains les plus graves croient, en Angleterre, se donner un air cavalier en citant des mots français qui, la plupart, n’ont jamais été français que dans les grammaires anglaises. Voir les rédacteurs de l’Edinburgh-Review ; voir les Mémoires de la comtesse de Lichtnau, maîtresse de l’avant-dernier roi de Prusse.