Page:Stendhal, De l’amour, Lévy, 1853.djvu/200

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170 ŒUVRES DE STENDHAL. n demanderai. — Seigneur, autant qu'i1 vous plaira me de- « mander, dit Guillaume, autant vous dirai-je la vérité. » Et monseigneur Raymond demande : « Guillaume, si Dieu et la « sainte foi vous vaut, avez-vous une maîtresse pour qui vous « chantiez ou pour laquelle Amour vous étreigne? » Guillaume, répond : « Seigneur, et comment ferai-je pour chanter, si « Amour ne me pressait pas? Sachez la vérité, monseigneur, « qu'Amour m'a tout en son pouvoir. » Raymond répond : « Je « veux bien le croire, qu’autrement vous ne pourriez pas si « bien chanter; mais je veux savoir s’il vous plait qui est votre « dame. — Ah ! seigneur, au nom de Dieu, dit Guillaume, voyez- « ce que vous me demandez. Vous savez trop bien qu'il ne « faut pas nommer sa dame, et que Bernard de Ventadour dit :

« En une chose nm raison me sert 1, « Que jamais homme ne m’a demandé ma joie, « Que je ne lui en aie menti volontiers. « Car cela ne me semble pas bonne doctrine, « Mais plutôt folie et acte d’enfant, « Que quiconque est bien traité en amour « En veuille ouvrir son cœur à un autre homme, « A moins qu'il ne puisse le servir et l’aider.

« Monseigneur Raymond répond : « Et je vous donne ma foi « que je vous servirai selon mon pouvoir. » Raymond en dit tant, que Guillaume lui répondit : « Seigneur, il faut que vous sachiez que j’aime la sœur de « madame Marguerite, votre femme, et que je pense en avoir « échange d’amour. Maintenant que vous le savez, je vous prie « de venir à mon aide ou du moins de ne pas me faire dom- « mage. — Prenez main et foi, fit Raymond, car je vous jure et « vous engage que j’emploierai pour vous tout mon pouvoir. » Et alors il lui donna sa foi, et quand il la lui eut donnée, Ray-

1 On traduit mot à mot les vers provençaux cités par Guillaume.