Aller au contenu

Page:Stendhal, De l’amour, Lévy, 1853.djvu/45

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
DE L’AMOUR.

dont l’immortalité, tant de fois proclamée, ne peut jamais aller au delà de trente ou quarante ans.

C’est parce qu’on ne peut se rendre compte du pourquoi de ses sentiments que l’homme le plus sage est fanatique en musique.

On ne peut pas à volonté se prouver qu’on a raison contre tel contradicteur.


CHAPITRE VII.

DES DIFFÉRENCES ENTRE LA NAISSANCE DE L’AMOUR DANS LES DEUX SEXES.


Les femmes s’attachent par les faveurs. Comme les dix-neuf vingtièmes de leurs rêveries habituelles sont relatives à l’amour, après l’intimité, ces rêveries se groupent autour d’un seul objet : elles se mettent à justifier une démarche si extraordinaire, si décisive, si contraire à toutes les habitudes de pudeur. Ce travail n’existe pas chez les hommes ; ensuite l’imagination des femmes détaille à loisir des instants si délicieux.

Comme l’amour fait douter des choses les plus démontrées, cette femme qui, avant l’intimité, était si sûre que son amant est un homme au-dessus du vulgaire, aussitôt qu’elle croit n’avoir plus rien à lui refuser, tremble qu’il n’ait cherché qu’à mettre une femme de plus sur sa liste.

Alors seulement paraît la seconde cristallisation, qui, parce que la crainte l’accompagne, est de beaucoup la plus forte[1].

  1. Cette seconde cristallisation manque chez les femmes faciles, qui sont bien loin de toutes ces idées romanesques.