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ŒUVRES DE STENDHAL.

Le rôle de l’amant est plus simple, il regarde les yeux de ce qu’il aime ; un seul sourire peut le mettre au comble du bonheur, et il cherche sans cesse à l’obtenir[1]. Un homme est humilié de la longueur du siège ; elle fait au contraire la gloire d’une femme.

Une femme est capable d’aimer, et, dans un an entier, de ne dire que dix ou douze mots à l’homme qu’elle préfère. Elle tient note au fond de son cœur du nombre de fois qu’elle l’a vu ; elle est allée deux fois avec lui au spectacle, deux fois elle s’est trouvée à dîner avec lui, il l’a saluée trois fois à la promenade.

Un soir, à un petit jeu, il lui a baisé la main ; on remarque que depuis elle ne permet plus, sous aucun prétexte et même au risque de paraître singulière, qu’on lui baise la main.

Dans un homme, on appellerait cette conduite de l’amour féminin, nous disait Léonore.


CHAPITRE IX.


Je fais tous les efforts possibles pour être sec. Je veux imposer silence à mon cœur, qui croit avoir beaucoup à dire. Je tremble toujours de n’avoir écrit qu’un soupir, quand je crois avoir noté une vérité.

  1. Quando leggemmo il disiato riso

    Esser baciato da cotanto amante,
    Costui che mai da me non fia diviso,
    La bocca mi bacció tutto tremante.

    Dante, Inf., cant. v.