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DE L’AMOUR.

Il faut bien se garder de présenter des facilités à l’espérance avant d’être sûr qu’il y a de l’admiration. On ferait naître la fadeur, qui rend à jamais l’amour impossible, ou du moins que l’on ne peut guérir que par la pique d’amour-propre.

On ne sympathise pas avec le niais, ni avec le sourire à tout venant ; de là, dans le monde, la nécessité d’un vernis de rouerie ; c’est la noblesse des manières. On ne cueille pas même le rire sur une plante trop avilie. En amour, notre vanité dédaigne une victoire trop facile ; et, dans tous les genres, l’homme n’est pas sujet à s’exagérer le prix de ce qu’on lui offre.


CHAPITRE XI.


Une fois la cristallisation commencée, l’on jouit avec délices de chaque nouvelle beauté que l’on découvre dans ce qu’on aime.

Mais qu’est-ce que la beauté ? c’est une nouvelle aptitude à vous donner du plaisir.

Les plaisirs de chaque individu sont différents et souvent opposés : cela explique fort bien comment ce qui est beauté pour un individu est laideur pour un autre. (Exemple concluant de Del Rosso et de Lisio, le 1er  janvier 1820.)

Pour découvrir la nature de la beauté, il convient de rechercher quelle est la nature des plaisirs de chaque individu ; par exemple, il faut à Del Rosso une femme qui souffre quelques mouvements hasardés, et qui, par ses sourires, autorise des choses fort gaies ; une femme qui, à chaque instant, tienne les plaisirs physiques devant son imagination, et qui excite à la fois le genre d’amabilité de Del Rosso et lui permette de la déployer.