Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/106

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importun, même le sombre Alfieri, dont il essaya de lire une tragédie. Il se promena longtemps dans sa chambre si vaste et si basse. Pourquoi ne pas en finir ? se dit-il enfin ; pourquoi cette obstination à lutter contre le destin qui m’accable ? J’ai beau faire les plans de conduite les plus raisonnables en apparence, ma vie n’est qu’une suite de malheurs et de sensations amères. Ce mois-ci ne vaut pas mieux que le mois passé ; cette année-ci ne vaut pas mieux que l’autre année. D’où vient cette obstination à vivre ? Manquerais-je de fermeté ? Qu’est-ce que la mort ? se dit-il en ouvrant la caisse de ses pistolets et les considérant. Bien peu de chose en vérité ; il faut être fou pour s’en passer. Ma mère, ma pauvre mère se meurt de la poitrine ; encore un peu de temps, et je devrai la suivre. Je puis aussi partir avant elle si la vie est pour moi une douleur trop amère. Si une telle permission pouvait se demander, elle me l’accorderait… Le commandeur, mon père lui-même, ils ne m’aiment pas ; ils aiment le nom que je porte ; ils chérissent en moi un prétexte d’ambition. C’est un bien petit devoir qui m’attache à eux… Ce mot devoir fut comme un coup de foudre pour Octave. Un petit devoir ! s’écria-t-il en s’arrêtant, un devoir de peu d’importance !… Est-il de peu d’importance, si c’est le seul qui me reste ? Si je ne surmonte pas les difficultés que le hasard me présente dans ma position actuelle, de quel droit osé-je me croire si sûr de vaincre toutes celles qui pourront s’offrir par la suite ? Quoi ! j’ai l’orgueil de me croire supérieur à tous les dangers, à toutes les sortes de maux qui peuvent attaquer un homme, et cependant je prie la douleur qui se présente de prendre une nouvelle forme, de choisir une figure qui puisse me convenir, c’est-à-dire de se diminuer de moitié. Quelle petitesse ! et je me croyais si ferme ! je n’étais qu’un présomptueux.

Avoir ce nouvel aperçu et se faire le serment de surmonter