Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/161

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de ses actions, toujours inspirées par la circonstance du moment, faisaient le désespoir de ses rivales. Elle avait des caprices d’un imprévu admirable, et comment imiter un caprice ?

Le naturel et l’imprévu n’étaient point la partie brillante de la conduite d’Octave. C’était un être tout mystère. Jamais d’étourderie chez lui, si ce n’est quelquefois dans ses conversations avec Armance. Mais il lui fallait la certitude de n’être pas interrompu à l’improviste. On ne pouvait lui reprocher de la fausseté ; il eût dédaigné de mentir, mais jamais il n’allait directement à son but.

Octave prit à son service un valet de pied qui sortait de chez madame d’Aumale ; cet homme, ancien soldat, était intéressé et très-fin. Octave le faisait monter à cheval avec lui, dans de grandes promenades de sept à huit lieues, qu’il faisait dans les bois qui entourent Paris, et il y avait des moments d’ennui apparent où il lui permettait de parler. En moins de quelques semaines, Octave eut les renseignements les plus certains sur la conduite de madame d’Aumale. Cette jeune femme, qui s’était fort compromise par une étourderie sans bornes, méritait réellement toute l’estime que quelques personnes ne lui accordaient plus.

Octave calcula la quantité de temps et de soins que lui prendrait la société de madame d’Aumale, et il espéra, sans trop se gêner, pouvoir passer bientôt pour amoureux de cette femme brillante. Il arrangea si bien les choses, que ce fut madame de Bonnivet elle-même qui, au milieu d’une fête qu’elle donnait à son château d’Andilly, le présenta à madame d’Aumale ; et la manière fut pittoresque et frappante pour l’étourderie de la jeune comtesse.

Dans le dessein d’égayer une promenade que l’on faisait, de nuit, sous les bois charmants qui couronnent les hauteurs d’Andilly, Octave parut tout à coup déguisé en magicien, et