Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/164

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poussa la précaution jusqu’à fermer elle-même le verrou de son antichambre.

Quand elle fut bien établie dans sa bergère, et Armance assise devant elle sur sa petite chaise : « Ma petite, lui dit-elle, je vais te parler d’une chose à laquelle je suis décidée depuis longtemps. Tu n’as que cent louis de rente, voilà tout ce que mes ennemis pourront dire contre le désir passionné que j’ai de te faire épouser mon fils. » En disant ces mots, madame de Malivert se jeta dans les bras d’Armance. Ce moment fut le plus beau de la vie de cette pauvre fille ; de douces larmes inondaient son visage.


XII


Estavas, linda Ignez, posta em socego
De teus annos colhendo doce fruto
Naquelle engano da alma ledo e cego
Que afortuna, naô deixa durar muito.

Os Lusiadas, cant. III.


Mais, chère maman, dit Armance longtemps après, et lorsqu’on eut repris un peu la faculté de parler raison, Octave ne m’a jamais dit qu’il me fût attaché comme il me semble qu’un mari doit l’être à sa femme. — S’il ne fallait pas me lever pour te conduire devant un miroir, répondit madame de Malivert, je te ferais voir tes yeux brillants de bonheur en ce moment, et je te prierais de me redire que tu n’es pas sûre du cœur d’Octave. J’en suis sûre, moi, qui ne suis que sa mère. Au reste, je ne me fais point illusion sur les défauts