Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/218

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tave une blessure grave au bras droit. — Monsieur, lui cria Octave, vous devez attendre mon feu, permettez que je fasse serrer mon bras. Cette opération rapidement terminée, et le domestique d’Octave, ancien soldat, ayant mouillé le mouchoir avec de l’eau-de-vie, ce qui le fit serrer très-ferme ; je me sens assez fort, dit Octave à M. Dolier. Il tira, M. de Crêveroche tomba et mourut deux minutes après.

Octave, appuyé sur son domestique, se rapprocha de son cabriolet, et monta sans dire un seul mot. M. Dolier ne put s’empêcher de plaindre ce beau jeune homme expirant, et dont on voyait les membres se roidir à quelques pas d’eux. Ce n’est qu’un fat de moins, dit froidement Octave.

Au bout de vingt minutes, quoique le cabriolet n’allât qu’au pas, le bras me fait bien mal, dit Octave à M. Dolier, le mouchoir me serre trop, et tout à coup il s’évanouit. Il ne reprit connaissance qu’une heure après, dans la chaumière d’un jardinier, bonhomme fort humain et que M. Dolier avait commencé par bien payer en entrant chez lui.

« Vous savez, mon cher cousin, lui dit Octave, combien ma mère est souffrante ; quittez-moi, passez rue Saint Dominique ; si vous ne trouvez pas ma mère à Paris, ayez l’extrême bonté d’aller jusqu’à Andilly ; apprenez-lui, avec tous les ménagements possibles, que j’ai fait une chute de cheval et me suis cassé un os du bras droit. Ne parlez ni de duel ni de balle. J’ai lieu d’espérer que certaines circonstances, que je vous conterai plus tard, empêcheront que cette légère blessure ne mette ma mère au désespoir ; ne parlez de duel qu’à la police s’il le faut, et envoyez-moi un chirurgien. Si vous allez jusqu’au château d’Andilly, qui est à cinq minutes du village, faites demander mademoiselle Armance de Zohiloff, elle préparera ma mère au récit que vous avez à lui faire. »

Nommer Armance fit une révolution dans la situation d’Octave. Il osait donc prononcer ce nom, chose qu’il s’était