Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/224

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ment de sa douleur, en présence d’une femme de chambre, elle osait la porter à ses lèvres. À force de relire cette lettre, Armance y vit l’ordre de la brûler.

Jamais sacrifice ne fut plus pénible ; il fallait donc se séparer de tout ce qui lui resterait d’Octave ; mais il l’avait désiré. Malgré ses sanglots, Armance entreprit de copier cette lettre, elle s’interrompait à chaque ligne, pour la presser contre ses lèvres. Enfin, elle eut le courage de la brûler sur le marbre de sa petite table ; elle en recueillit les cendres précieusement.

Le domestique d’Octave, le fidèle Voreppe, sanglotait auprès de son lit ; il se souvint qu’il avait une seconde lettre écrite par son maître : c’était le testament. Ce papier avertit Armance qu’elle n’était pas seule à souffrir. Il fallait repartir pour Andilly, et aller porter des nouvelles d’Octave à sa mère. Elle passa devant le lit du blessé dont l’extrême pâleur et l’immobilité semblaient annoncer la mort prochaine ; cependant il respirait encore. L’abandonner en cet état aux soins des domestiques et d’un petit chirurgien du voisinage, qu’elle avait fait appeler, fut le sacrifice le plus pénible de tous.

En arrivant à Andilly, Armance trouva M. Dolier qui n’avait pas encore vu la mère d’Octave ; Armance avait oublié que ce matin-là toute la société avait fait la partie d’aller au château d’Écouen. On attendit longtemps le retour de ces dames, et M. Dolier eut le temps de dire ce qui s’était passé le matin : il ne savait pas l’objet de la querelle avec M. de Crêveroche.

Enfin on entendit les chevaux rentrant dans la cour. M. Dolier voulut se retirer pour ne paraître que dans le cas où M. de Malivert désirerait sa présence. Armance, de l’air le moins alarmé qu’elle put prendre, annonça à madame de Malivert que son fils venait de faire une chute de cheval