Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/252

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dolente ; elle parla, elle, de mal de tête, et avant dix heures et demie était rentrée dans son appartement. Probablement Octave et madame d’Aumale se promenaient ensemble ; cette idée, qui vint à tout le monde, fit pâlir Armance. Ensuite elle se reprocha sa douleur même comme une inconvenance qui la rendait moins digne de l’estime de son cousin.

Le lendemain matin de bonne heure, Armance se trouvait chez madame de Malivert, qui eut besoin d’un certain chapeau. Sa femme de chambre était allée au village ; Armance court à la chambre où se trouvait le chapeau ; il fallait passer devant la chambre d’Octave. Elle resta comme frappée de la foudre en apercevant le petit poème anglais appuyé sur la poignée de la porte, ainsi qu’elle l’avait placé la veille au soir. Il était clair qu’Octave n’était pas rentré chez lui.

Rien n’était plus vrai. Il était allé à la chasse malgré le dernier accident de son bras ; et afin de pouvoir se lever matin et n’être pas aperçu, il avait passé la nuit chez le garde-chasse. Il voulait rentrer au château à onze heures, à la cloche du déjeuner, et éviter ainsi les reproches qu’on lui aurait adressés sur son imprudence.

En rentrant chez madame de Malivert, Armance eut besoin de dire qu’elle se trouvait mal. De ce moment elle ne fut plus la même. Je porte une juste peine, se dit-elle, de la fausse position dans laquelle je me suis placée, et qui est si inconvenante pour une jeune personne. J’en suis venue à avoir des douleurs que je ne puis pas même m’avouer.

Lorsqu’elle revit Octave, Armance n’eut pas le courage de lui faire la moindre question sur le hasard qui l’avait empêché de voir le poème anglais ; elle eût cru manquer à tout ce qu’elle se devait. Ce troisième jour fut encore plus sombre que les précédents.