Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/259

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vous jette par la fenêtre que voilà. La fureur contenue d’Octave fit pâlir le commandeur, il se souvint à propos des accès de folie de son neveu et vit qu’il était irrité au point de commettre un crime.

Armance parut en ce moment, mais Octave ne trouva rien à lui dire. Il ne put même la regarder avec amour, le calme l’avait mis hors de lui. Le commandeur, pour faire bonne contenance, ayant voulu dire quelques mots gais, Octave craignit qu’il ne blessât mademoiselle de Zohiloff. Monsieur, lui dit-il, en lui serrant fortement le bras, je vous engage à vous retirer à l’instant chez vous. Le commandeur hésitant, Octave le saisit par le bras, l’entraîna dans sa chambre, l’y jeta, ferma la porte à clef, et mit la clef dans sa poche.

À son retour auprès des dames, il était furieux. Si je ne tue cette âme mercenaire et basse, s’écriait-il comme se parlant à lui-même, il osera parler mal de ma femme. Malheur à lui !

Pour moi, j’aime M. de Soubirane, dit Armance effrayée et qui voyait la peine qu’Octave faisait à sa mère. J’aime M. de Soubirane, et si vous continuez à être furieux, je pourrai penser que vous avez de l’humeur à cause d’un certain engagement un peu prompt que nous venons de lui annoncer.

— Vous ne le croyez pas, dit Octave en l’interrompant, j’en suis sûr. Mais vous avez raison comme toujours. À le bien prendre, je dois des actions de grâce à cette âme basse ; et peu à peu sa colère disparut. Madame de Malivert se fit transporter chez elle jouant fort bien la comédie du coup de sang. Elle envoya chercher son médecin à Paris.

Le reste de la nuit fut charmant. La gaieté de cette heureuse mère se communiqua à Octave et à son amie. Engagée par les paroles gaies de madame de Malivert, Armance, encore toute troublée et qui avait perdu tout empire sur elle-même, osait montrer à Octave combien il lui était cher. Elle