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Beyle l’emploi d’intendant des domaines de l’Empereur à Brunswick.

Le 11 juillet 1807, un décret impérial, daté de Kœnigsberg, le nommait adjoint aux commissaires des guerres.

Ses fonctions d’intendant le fixèrent à Brunswick pendant les années 1807 et 1808 ; il profita de son séjour dans cette ville, pour y étudier la langue et la philosophie allemandes.

Beyle était adroit à la chasse et tirait fort bien le pistolet. Un jour, à Brunswick, se trouvant dans une voiture menée au grand trot, il abattit, à quarante pas, un corbeau, d’un coup de pistolet chargé d’une seule balle ; ce qui lui valut le respect des aides de camp du général de Rivaud-la-Raffinière.

La campagne de 1809 l’éloigna de Brunswick ; M. le comte Daru, devenu intendant général de la grande armée, le chargea de missions particulières, dans lesquelles sa capacité et son courage personnel purent être appréciés. On a cité, en preuve, un fait qui m’était resté inconnu ; mais comme il n’y a aucun motif de le révoquer en doute, je le consignerai ici.

Beyle était abandonné avec les malades et les approvisionnements dans une petite ville dont la garnison avait été jugée plus utile ailleurs. Ce dépôt était placé sous sa responsabilité, à lui, comme officier d’administration. Le pays était mal disposé à notre égard, et n’attendait qu’une occasion pour nous le faire sentir. À peine la garnison avait-elle quitté la ville, qu’une insurrection formidable s’organisa, le tocsin sonna, toute la population se leva. Il ne s’agissait de rien moins que de massacrer les malades à l’hôpital, et de piller ou brûler les magasins. Privés de troupes, les officiers militaires de la place ne savaient où donner de la tête. Cependant l’émeute devenait plus menaçante. Les abords de l’hôpital s’encombraient, les cris de mort se faisaient entendre ; au péril de ses jours, Beyle se jette dans ces rues abandonnées à une multitude de furieux, et pénètre dans l’hôpital. Les convalescents, les malades, les blessés, tout ce qui peut un instant se tenir debout ou à peu près, il fait tout lever, il arme tout. Les plus impotents, il les met en embuscade aux fenêtres, qui, garnies de matelas, deviennent des meurtrières ; les