Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/56

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défendu avec chaleur les écrits et la personne de Byron ; celui-ci, de son côté, estimait justement l’originalité piquante, l’excellent ton de critique, le caractère honorable de Beyle. On en trouvera le témoignage dans la lettre, reproduite ici et que lui écrivit ce grand poëte, onze mois avant sa mort.

Beyle n’avait point partagé l’engouement excessif des Parisiens pour Walter Scott. Il lui reconnaissait le talent de décrire merveilleusement les habits de ses personnages, le paysage au milieu duquel ils se trouvent, les formes de leurs visages ; mais il lui refusait l’art si difficile, si rare, de peindre les passions et les divers sentiments qui agitent l’âme ; en un mot, de pénétrer profondément dans les interstices du cœur humain. Beyle ne croyait pas que la réputation de Walter Scott pût se soutenir longtemps au point où la mode l’avait portée ; il pensait que le mérite historique, par lequel se distinguaient surtout ses romans, ne les recommanderait point à la postérité. Sa prédiction s’est en partie réalisée, et, avant sa mort, Beyle a déjà pu s’apercevoir que ce mérite avait perdu de son éclat ; en un mot, qu’il s’était un peu fané. Son opinion, sur la nature du talent de Walter Scott, était très-arrêtée ; on la retrouve souvent dans ses écrits. Ce n’est cependant que d’une manière allusive que sa brochure de Racine et Shakspeare la reproduit. Toutefois, Byron crut y entrevoir une attaque contre le caractère de Walter Scott, et il la repoussa avec une générosité qui ne peut que l’honorer.

Chose singulière, le pamphlet de Racine et Shakspeare contient des expressions peu flatteuses sur des ouvrages de lord Byron, et dont il pouvait à juste titre se trouver blessé. Eh bien, pas un mot à ce sujet dans sa lettre à Beyle ; il se borne à défendre son rival avec chaleur, mais sans s’écarter un instant d’une urbanité amicale.

Voici cette lettre, dont l’original fait partie des papiers laissés par mon ami.

Gênes, le 29 mai 1823.
« Monsieur,

» À présent que je sais à qui je dois la mention flatteuse de mon nom dans Rome, Naples et Florence, en 1817, par M. de