Page:Stendhal - Armance, Lévy, 1877.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que je préfère un autre homme ? et il a trop de fierté dans le caractère pour se contenter de la seconde place dans un cœur. Il s’attache à madame d’Aumale ; c’est une beauté brillante et citée partout, et moi, je ne suis pas même jolie. Ce que je puis dire à Octave est d’un intérêt bien pâle, je suis sûre que souvent je l’ennuie, ou je l’intéresse comme une sœur. La vie de madame d’Aumale est gaie, singulière ; jamais rien ne languit dans les lieux où elle se trouve, et il me semble que je m’ennuierais souvent dans le salon de ma tante si j’écoutais ce qu’on y dit. Armance pleurait, mais cette âme noble ne s’abaissa point jusqu’à avoir de la haine pour madame d’Aumale. Elle observait chacune des actions de cette femme aimable avec une attention profonde et qui la conduisait souvent à des moments fort vifs d’admiration. Mais chaque acte d’admiration était un coup de poignard pour son cœur. Le bonheur tranquille disparut, Armance fut en proie à toutes les angoisses des passions. La présence de madame d’Aumale en vint à la troubler plus que celle d’Octave lui-même. Le tourment de la jalousie est surtout affreux quand il déchire des cœurs à qui leur penchant comme leurs positions interdisent également tous les moyens de plaire un peu hasardés.