Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/120

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le matin de répandre ce bruit. Fabrice parcourait la forêt avec l’élite de ses partisans, qu’il avait montés sur les jeunes chevaux à demi sauvages de son haras. Il passait une sorte de revue des divers détachements de paysans ; mais il ne leur parlait point, toute parole pouvant compromettre. Fabrice était un grand homme maigre, d’une agilité et d’une force incroyables : quoique à peine âgé de quarante-cinq ans, ses cheveux et sa moustache étaient d’une blancheur éclatante, ce qui le contrariait fort : à ce signe on pouvait le reconnaître en des lieux où il eût mieux aimé passer incognito. À mesure que les paysans le voyaient, ils criaient : Vive Colonna ! et mettaient leurs capuchons de toile. Le prince lui-même avait son capuchon sur la poitrine, de façon à pouvoir le passer dès qu’on apercevrait l’ennemi.

Celui-ci ne se fit point attendre : le soleil se levait à peine lorsqu’un millier d’hommes à peu près, appartenant au parti des Orsini, et venant du côté de Valmontone, pénétrèrent dans la forêt et vinrent passer à trois cents pas environ des partisans de Fabrice Colonna, que celui-ci avait fait mettre ventre à terre. Quelques minutes après que les derniers des Orsini formant cette avant-garde eurent défilé,