Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/230

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autour de moi, comme de mon côté j’eusse intéressé toutes les âmes dans lesquelles il reste encore un peu de pitié et de bonté, il est probable que je serais arrivée à la vérité ; car déjà, mon Jules, tes belles actions avaient fixé sur toi l’attention du monde, et peut-être quelqu’un à Madrid savait que tu étais Branciforte. Veux-tu que je te dise ce qui empêcha notre bonheur ? D’abord le souvenir de l’atroce et humiliante réception que le prince m’avait faite à la Petrella ; que d’obstacles puissants à affronter de Castro au Mexique ! Tu le vois, mon âme avait déjà perdu de son ressort. Ensuite il me vint une pensée de vanité. J’avais fait construire de grands bâtiments dans le couvent, afin de pouvoir prendre pour chambre la loge de la tourière, où tu te réfugias la nuit du combat. Un jour, je regardais cette terre que jadis, pour moi, tu avais abreuvée de ton sang ; j’entendis une parole de mépris, je levai la tête, je vis des visages méchants ; pour me venger, je voulus être abbesse. Ma mère, qui savait bien que tu étais vivant, fit des choses héroïques pour obtenir cette nomination extravagante. Cette place ne fut, pour moi, qu’une source d’ennuis ; elle acheva d’avilir mon âme ; je trouvai du plaisir à marquer mon pouvoir souvent par le malheur des autres ; je commis des injustices. Je me voyais