Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/232

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de toutes mes forces. Voilà toute la vérité, mon cher Jules : je ne voulais pas mourir sans te la dire, et je pensais aussi que peut-être cette conversation avec toi m’ôterait l’idée de mourir. Je n’en vois que mieux quelle eût été ma joie en te revoyant, si je me fusse conservée digne de toi. Je t’ordonne de vivre et de continuer cette carrière militaire qui m’a causé tant de joie quand j’ai appris tes succès. Qu’eût-ce été, grand Dieu ! si j’eusse reçu tes lettres, surtout après la bataille d’Achenne ! Vis, et rappelle-toi souvent la mémoire de Ranuce, tué aux Ciampi, et celle d’Hélène, qui, pour ne pas voir un reproche dans tes yeux, est morte à Sainte-Marthe. »

Après avoir écrit, Hélène s’approcha du vieux soldat, qu’elle trouva dormant ; elle lui déroba sa dague, sans qu’il s’en aperçût, puis elle l’éveilla.

— J’ai fini, lui dit-elle, je crains que nos ennemis ne s’emparent du souterrain. Va vite prendre ma lettre qui est sur la table, et remets-la toi-même à Jules, toi-même, entends-tu ? De plus, donne-lui mon mouchoir que voici ; dis-lui que je ne l’aime pas plus en ce moment que je ne l’ai toujours aimé, toujours, entends bien !

Ugone debout ne partait pas.

— Va donc !