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l’avoir jamais vue[1]. L’amour que son mari avait pour elle allait jusqu’à une véritable folie ; sa belle-mère, Camille, et le cardinal Montalto lui-même, semblaient n’avoir d’autre occupation sur la terre que celle de deviner les goûts de Vittoria, pour chercher aussitôt à les satisfaire. Rome entière admira comment ce cardinal, connu par l’exiguïté de sa fortune non moins que par son horreur pour toute espèce de luxe, trouvait un plaisir si constant à aller au-devant de tous les souhaits de Vittoria. Jeune, brillante de beauté, adorée de tous, elle ne laissait pas d’avoir quelquefois des fantaisies fort coûteuses. Vittoria recevait de ses nouveaux parents des joyaux du plus grand prix, des perles, et enfin tout ce qui paraissait de plus rare chez les orfèvres de Rome, en ce temps-là fort bien fournis.

Pour l’amour de cette nièce aimable, le cardinal Montalto, si connu par sa sévérité, traita les frères de Vittoria comme s’ils eussent été ses propres neveux. Octave Accoramboni, à peine arrivé à l’âge de trente ans, fut, par l’intervention du car-

  1. On voit à Milan, autant que je puis me souvenir, dans la bibliothèque Ambrosienne, des sonnets remplis de grâce et de sentiment, et d’autres pièces de vers, ouvrage de Vittoria Accoramboni. D’assez bons sonnets ont été faits dans le temps sur son étrange destinée. Il paraît qu’elle avait autant d’esprit que de grâces et de beauté.