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lui faire le prince Paolo Giordano Orsini, duc de Bracciano, auquel le bruit attribuait la mort de Félix Perretti[1]. Le vulgaire pensait que le cardinal Montalto ne pourrait se trouver si rapproché du prince, et lui parler en tête-à-tête, sans laisser paraître quelque indice de ses sentiments.

Au moment où le prince vint chez le cardinal, la foule était énorme dans la rue et auprès de la porte ; un grand nombre de courtisans remplissaient toutes les pièces de la maison, tant était grande la curiosité d’observer le visage des deux interlocuteurs. Mais, chez l’un pas plus que chez l’autre, personne ne put observer rien d’extraordinaire. Le cardinal Montalto se conforma à tout ce que prescrivaient les convenances de la cour ; il donna à son visage une teinte d’hilarité fort remarquable, et sa façon d’adresser la parole au prince fut remplie d’affabilité.

Un instant après, en remontant en carrosse, le prince Paul, se trouvant seul avec ses courtisans intimes, ne put s’empêcher de dire en riant : In fatto, è vero che costui è un gran frate ! (Il est parbleu bien vrai, cet homme est un fier moine !) comme s’il eût voulu con-

  1. L’intérêt voyage. Passage au prince Orsini. (Note de Stendhal sur le manuscrit italien.)