Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/309

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la haine qu’il portait à ses enfants. Il les maudissait à chaque instant, grands et petits, et tous les jours il accablait de coups de bâton ses deux pauvres filles qui habitaient avec lui dans son palais.

La plus âgée, quoique surveillée de près, se donna tant de soins, qu’elle parvint à faire présenter une supplique au pape ; elle conjura Sa Sainteté de la marier ou de la placer dans un monastère. Clément VIII eut pitié de ses malheurs, et la maria à Charles Gabrielli, de la famille la plus noble de Gubbio ; Sa Sainteté obligea le père à donner une forte dot.

À ce coup imprévu, François Cenci montra une extrême colère, et pour empêcher que Béatrix, en devenant plus grande, n’eût l’idée de suivre l’exemple de sa sœur, il la séquestra dans un des appartements de son immense palais. Là, personne n’eut la permission de voir Béatrix, alors à peine âgée de quatorze ans, et déjà dans tout l’éclat d’une ravissante beauté. Elle avait surtout une gaieté, une candeur et un esprit comique que je n’ai jamais vu qu’à elle. François Cenci lui portait lui-même à manger. Il est à croire que c’est alors que le monstre en devint amoureux, ou feignit d’en devenir amoureux, afin de mettre au supplice sa malheureuse fille. Il lui parlait souvent du tour